Dans notre série d’articles sur la gestion du changement (épisode 1 et épisode 2), nous compilons des anecdotes rencontrées en entreprises pour illustrer des cas d’école. Parmi eux, voici les réactions et comportements qu’il est possible d’observer lors du déploiement d’une CRM. Nous vous proposons également quelques idées pour mieux anticiper les résistances au changement dans un projet numérique.
Prenons un groupe familial du secteur industriel qui emploie quelques milliers de personnes. Il s’agrandit à la faveur d’opérations de croissance externe et diversifie son activité. La société intervient désormais sur de la transformation industrielle, du négoce et du service. Le tout, en B2B.
Les activités sont très segmentées et le groupe s’apparente parfois à une holding financière qui apporte à ses filiales un socle commun de services et d’outils informatiques de gestion. Fort de ce constat, une branche souhaite ainsi anticiper l’avenir et faire évoluer son organisation commerciale. Pour cela, une solution de gestion informatique semble adaptée à ses spécificités.
Cette Business Unit s’est elle aussi développée au fil des acquisitions. De plus, l’information client, les manières de faire et la relation commerciale sont très personnalisées. L’information est volatil et par certains aspects, éparpillée. C’est donc sous l’impulsion du directeur général de cette Business Unit qu’a été pris la décision de lancer un projet d’accroissement de l’efficacité commerciale.
L’objectif est d’aider et d’aiguiller les actions quotidiennes de la trentaine de technico-commerciaux de l’entreprise. Il s’agit ici d’avoir un meilleur suivi des rendez-vous client, des relances de devis, du suivi des appels d’offres, etc.
Au départ, les équipes internes travaillent avec des tableurs Excel. Mais elles se rendent compte rapidement qu’il faut une solution « sur-mesure » plus robuste et plus professionnelle. Un cahier des charges est donc rédigé. Et quelques mois après les premières réflexions internes, la sélection d’un prestataire permet de prévoir le déploiement de ce que l’on désigne alors par l’acronyme CRM.
Les managers des équipes commerciales parviennent donc à modéliser un processus commun : des rencontres, des clients, des échanges, des affaires et des appels d’offres à suivre. Quelques mois après la fin des ateliers de conception, la solution est livrée et les équipes sont formées. Le projet est recetté et réceptionné par le client en temps voulu.
Face à l’absence de retours de la part des utilisateurs attendus, une seconde vague de formation s’organise. C’est alors que certaines questions « légitimes » se posent :
Certains utilisateurs attendus évoquent une application de « flicage ». S’en suivront pendant quelques années différents échanges d’arguments et tentatives de sauver le projet (ateliers complémentaires, refonte des processus, suivi des performances, mesures incitatives …) pour finalement abandonner purement et simplement le travail réalisé.
Constat implacable : trop peu de choses ont été faites pour anticiper les résistances au changement dans un projet numérique.
Malheureusement ce type de situation arrive assez régulièrement, surtout sur des projets de déploiement de CRM de type Sales Force Automation. Loin de l’idéal technophile vanté dans certains médias, la nouveauté suscite également des craintes. Pourtant le produit livré était bien conforme au cahier des charges. Mais la cible pour laquelle ce produit avait été conçu, n’a pas été séduite.
Nous ne reviendrons pas non plus sur le bilan comptable de ce projet et un possible sentiment de gâchis face à un investissement financier de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Et de surcroit des centaines d’heures passées, sans parler du précédent ainsi créé, rendant ainsi plus difficile tout changement ultérieur.
Il est toujours facile avec le recul de dire « voilà qu’elle était la cause », « il aurait fallu faire comme ceci ou comme cela ». Mais c’est aussi le but, ici, de tirer des enseignements d’expériences passées.
Parmi les nombreux problèmes que soulève cette anecdote, nous pouvons retenir les suivants :
Lorsque l’on sait que depuis quelques années des rumeurs circulent sur les moindres performances de l’entreprise, on comprend l’inquiétude des salariés. Et cela induit une certaine méfiance quant à des innovations qui faciliteraient leur éviction.
Ensuite, on peut relever que le projet est resté très isolé. Si des mesures de rattrapage fonctionnelles ont été prises dans les premiers temps, la population concernée restait la même, incitant dès lors une possible forme de réaction « corporatiste ».
“On ne saurait faire boire un âne qui n’a pas soif”
Le modèle ADKAR de Prosci, stipule que la formation, c’est-à-dire l’apport de connaissances, arrive après deux phases préalables. L’Awareness, que l’on traduit librement par la prise de conscience, et le Desire (qu’il est inutile de traduire ici). Autrement dit, rien ne sert de former une personne qui n’en a pas le désir et qui n’a pas pris conscience du problème qu’on lui propose de résoudre.
Or c’est précisément ce qui s’est fait ici et qui malheureusement se fait dans de très nombreux cas similaires : on forme des personnes à un outil, à une méthode, sans que ces personnes n’aient la volonté… et nous connaissons tous les résultats de ce type de formation : 0.
Cette anecdote, si commune malheureusement, illustre des problèmes récurrents dans les projets d’automatisation de la force de vente :
En suivant davantage les recommandations du modèle ADKAR, voici quels ajustements auraient pu être effectués :
En résumé, il s’agit d’adresser le volet humain du changement c’est-à-dire répondre aux véritables enjeux et problématiques soulevées par l’intégration d’un CRM.
Tout projet de changement ne trouve un écho favorable chez les utilisateurs qu’en permettant une identification claire et limpide du « pourquoi » du changement, ainsi que du « WIIFM (what’s in it for me) », c’est-à-dire l’appropriation du pourquoi dans sa situation personnelle, des implications concrètes en termes de gains et de pertes.
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5 études de cas pour améliorer sa gestion du changement
Simon Le Bayon, PhD
Consultant en stratégie digitale