Les évènements récents nous l’ont démontré, instaurer le télétravail, lorsque qu’il est possible, demeure une solution de choix pour maintenir l’activité de son entreprise. Pourtant sa mise en place dans l’urgence n’est pas forcément recommandée, du fait de la préparation nécessaire que cela induit.
De nombreuses organisations utilisent déjà Skype pour communiquer en télétravail. Sans pour autant y trouver les bénéfices attendus, et la richesse de l’environnement de travail. Dans l’écosystème Microsoft, Teams parait mieux convenir aux enjeux de maintien d’activité pour les organisations, du fait de sa capacité à centraliser de nombreuses fonctionnalités collaboratives, communicationnelles et de gestion documentaire.
“Cependant, la mise en place du télétravail demeure avant tout une question humaine et managériale que les outils viennent compléter et étayer sans pour autant la suppléer” souligne Fabien Silone, expert en innovation et gestion du changement chez isatech.
Dans un article de la Harvard Business Review (us), Cali WILLIAMS YOST, CEO et fondatrice de l’entreprise Flex+Strategy, également auteure de deux livres dédiés à l’amélioration et la modernisation du contexte de travail, dévoile les fondamentaux pour instaurer le télétravail en urgence tout en sécurisant l’organisation, son activité et ses membres dans cet exercice. Les voici agrémentées d’illustrations complémentaires.
La première étape est donc de reconnaître ce besoin et la possibilité de vos collaborateurs à travailler à distance, nier ce besoin et cette possibilité n’est pas une stratégie. De même, donner un pc portable et enjoindre d’« aller travailler ailleurs » n’en est pas une. En revanche, prévoir le pire scenario (une quarantaine stricte et généralisée sur plusieurs mois par exemple) est, à défaut d’être rassurant, utile. Prévoyez donc votre activité comme si le seul moyen de la maintenir ainsi que sa rentabilité, était de faire du télétravail la nouvelle norme.
Comment ? Commencer par monter une cellule avec les focalisations et compétences suivants :
Pour faciliter la prise de décision, la composition de cette cellule doit être restreinte autant que possible tout en assurant le socle de compétences nécessaires précité, ainsi que la complémentarité des compétences. Le livrable attendu de cette cellule est la création rapide d’un plan d’actions basées sur l’analyse de plusieurs scénarii, et l’exécution rapide des décisions actées. Afin de s’assurer de l’adéquation avec les besoins des collaborateurs, la consultation des managers est essentielle une fois les jalons décisionnels atteints.
La deuxième étape consiste à cartographier les emplois et tâches qui sont concernés. Pour ce faire, classer en trois catégories les postes :
Une fois cette étape réalisée, prenez le temps de remettre en cause les idées préconçues sur les rôles que vous avez classés dans la catégorie « ne peut être réalisé ». En effet, il arrive souvent que nous considérions pour définitifs des éléments qui ont changé et ne sont dès lors plus d’actualité. Par exemple « l’ADV ne peut pas travailler à distance ».
Si effectivement certaines tâches exigent une présence physique sur le lieu de travail (accès à des documents physiques ou un matériel spécifique par exemple), les évolutions majeures des activités professionnelles telles que la digitalisation nous offrent la possibilité de repenser certains rôles dont la généralisation du lien à l’espace de travail a peut-être été rapidement faite, sous le poids des modalités liées à l’histoire du lieu de travail. Pour reprendre notre exemple, une réorganisation provisoire du travail de l’équipe ADV pourrait permettre de réduire le nombre de personnes présentes physiquement dans le service en dédiant une personne (ayant la capacité de le faire) à l’accès aux documents physiques nécessaires au travail du service. Cette personne agirait en relais en fonction des besoins de ses collègues.
Les habitudes et les process établis nous enjoignent à faire perdurer des situations dont la pertinence n’est plus forcément avérée. Autant profiter de ces situations de crise pour s’interroger sur leurs fondements.
Pour cette troisième étape il est vivement recommandé d’auditer les moyens technologiques à disposition (hardware et software). Et réduire l’écart dans l’accès et l’adoption.
Comme dans toute période de transition, l’usage maîtrisé et la productivité espérée ne s’obtiennent pas immédiatement. C’est inévitable mais préférable à un arrêt pur et simple de l’activité, l’adoption compétente et volontaire doit tout de même rester le cap de l’initiative.
Lors de cette étape il peut être nécessaire d’approfondir les questions soulevées par la mise en place d’un PCA (plan de continuité d’activité) avec vos interlocuteurs système d’information.
La quatrième étape consiste à mettre en place un protocole de communication. Comme toute communication, il est essentiel de définir un plan adéquat qui devra contenir les éléments suivants :
Ces éléments sont cruciaux à expliciter. En effet le caractère urgent du changement impose de questionner tout l’implicite qui facilite les relations de travail au quotidien. Comme les pauses café, échanges informels au détour d’un couloir, etc…). Par ailleurs il est essentiel de cadrer le ton à utiliser dans l’ensemble des communications pour chaque typologie d’interlocuteurs (calme, neutre, rassurant si nécessaire). Si ce n’est déjà fait, rapidement tester les outils à petite échelle avant d’en annoncer les usages (sms massifs, mailing ciblé, site web…).
Globalement, la communication doit être aussi transparente et aussi fréquente que possible. Ceci afin de se prémunir des potentielles rumeurs. Celles-ci étant plus promptes à se répandre en temps d’incertitude et de crise. Plus que jamais, le rôle de l’organisation est de donner du sens à la situation. Si tel n’était pas le cas, il en résulterait une profonde remise en question sur sa légitimité. Celle-ci étant cruciale pour une action organisationnelle efficiente.
Enfin, préparer les réponses aux médias sur les thématiques de maintien de l’activité. Comme l’impact sur le CA, les perspectives post-crise, les bienfaits inattendus de la situation (liste non exhaustive).
La phase transitoire de crise à laquelle vous répondez aura nécessairement une issue. Tout l’enjeu pour préparer la sortie de cet état transitoire est donc de documenter le suivi et d’en monitorer les data cruciales. Bien que les bénéfices ne soient pas visibles de prime abord, comme le dit le dicton, « à quelque chose malheur est bon », aussi il est possible de tirer expérience et enseignement d’une situation inhabituelle, dès lors que la donnée de suivi est archivée et analysée afin d’en tirer de la connaissance.
Ces éléments sont cruciaux car ils permettront de répondre aux questionnements légitimes des collaborateurs. Ceux-ci auront sans nul doute trouvé avantage au télétravail (ex : « pourquoi on ne l’a pas fait avant ? »). Ces analyses vous permettront ensuite de pérenniser certains usages précis et de revenir à l’état initial pour d’autres. Les décisions de pilotage n’en seront que plus fines.
Egalement, si vous vous apercevez que le niveau des réunions à distance est le même qu’en présentiel, alors l’usage serait peut-être à généraliser eu égard aux économies ainsi engendrées (frais et temps de déplacement par exemple). En revanche certaines tâches peuvent confirmer la nécessité de les garder en présentiel. Quoi qu’il en soit, il est fort probable que la politique RSE, en place n’en sortira que grandie.
Si ces perspectives peuvent paraître effrayantes au premier abord, la structuration et la flexibilité auxquelles elles nous obligent sont des pas nécessaires vers une digitalisation des activités professionnelles. L’essentiel dans ce cheminement est donc de rester ouvert au changement. L’exercice n’est certes pas chose aisée tant la peur et l’anxiété, caractéristiques des changements brutaux, sont vecteurs de repli sur l’habituel, le connu et le maîtrisé. Nous savons cependant que la structuration permettra de consolider ce changement d’ampleur pour l’ensemble des organisations.
Fabien Silone, PhD
Consultant en innovation & gestion du changement